Revue de presse

Editorial du Monde du 27 novembre 2009

Bavures


C'est sous le slogan de la "tranquillité nationale" que le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, a présenté sa politique de sécurité, le 12 novembre. Mais ce slogan paisible et rassurant est souvent - trop souvent - contredit par la chronique policière et judiciaire.
Le jour même où le ministre se félicitait de l'efficacité de son action, Mohamed Boukrourou, un père de famille de 41 ans, mourait à Valentigney (Doubs), dans un fourgon de police, à la suite d'un différend dérisoire avec un pharmacien. Sur la base de l'autopsie, le parquet de Montbéliard vient d'ouvrir une information judiciaire contre X... pour "homicide involontaire". L'enquête a révélé des traces de coups évidentes, qui auraient provoqué un arrêt cardiaque et la mort.
Il y a quelques jours, Anyss Arbib, étudiant en quatrième année à Sciences Po Paris et habitant de Bondy, en Seine-Saint-Denis, racontait avec précision, dans Libération, les insultes xénophobes et les "violences aveugles" des forces de l'ordre contre des jeunes issus de l'immigration, venus fêter sur les Champs-Elysées la qualification de l'Algérie pour la Coupe du monde de football.
"Bavures", dit-on, selon l'expression malheureusement consacrée, qui exprime assez la banalité de ce genre d'épisodes, et parfois de tels drames. "Bavures" précédées ou accompagnées de contrôles "au faciès" dont la Ligue des droits de l'homme souligne à quel point ils font partie de la routine, notamment dans les banlieues des grandes villes. "Bavures" qui témoignent du climat de défiance qui s'est installé entre les policiers et les citoyens, non seulement à l'occasion de ces contrôles systématiques, mais aussi lors de gardes à vue souvent choquantes et parfois indignes, dont le nombre a explosé depuis plusieurs années.
Les auteurs de ces "bavures" bénéficient trop souvent de l'impunité, aussi bien de la part de la hiérarchie policière que des autorités gouvernementales. Il est d'autant plus regrettable de voir disparaître la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui, depuis 2000, dressait chaque année, de façon indépendante, la liste noire de ces "bavures".
La tâche des forces de l'ordre est difficile. De plus en plus difficile, même. Cela ne saurait être une raison pour tolérer, couvrir ou justifier des pratiques au moins malsaines et au pire contraires aux règles les plus élémentaires d'une police républicaine et d'un Etat de droit. La "tranquillité nationale" suppose que les responsables de ce pays soient aussi intraitables contre ces "bavures" que contre la délinquance.

Revue de presse (sélection d'articles)

Interview d'Abdelkader Boukrourou par le site Al-Kanz le 3 décembre 2009

Le Canard enchaîné du 2 décembre 2009

Libération du 26 novembre 2009

Wa Bayn Portail Marocain du 20 novembre 2009